
Voici la 1ère veille mensuelle internationale du @Labo E&MIS sur le sujet de l’Evaluation d’impact social, destinée à tous ceux qui comme nous veulent suivre l’actualité de cette nouvelle discipline!
DES OUTILS POUR ACCÉLÉRER LE RECOURS À L’ÉVALUATION D’IMPACT SOCIAL AU SEIN DE L’ESS
En novembre dernier, Olivia Grégoire, Secrétaire d’État à l’Économie Sociale, Solidaire et Responsable déclare dans le Magazine ACT’ESS n°4 de l’UDES : « J’ai toujours considéré́ la mesure de l’impact comme le premier levier de la responsabilisation de l’économie. » Elle précise un peu plus loin : « le pivot de la transition écologique et sociale de notre économie, c’est notre capacité́ à quantifier, mesurer et valoriser les conséquences d’une activité́ économique, non plus seulement l’aspect financier mais tout ce qu’il y a autour et qu’on a eu trop tendance à̀ négliger.»
Dans cet article, Olivia Grégoire met notamment en exergue l’usage des Contrats à Impact qu’elle a souhaité relancer pour faire passer à l’échelle les projets qui apportent une « innovation sociale et environnementale ».
Les contrats à impact sont des outils de financement de projets d’acteurs de l’ESS et de l’Innovation Sociale, qui répondent à des besoins sociaux ou environnementaux peu ou pas pris en charge par l’État. Le financement est assuré par des investisseurs privés et/ou publics, que l’État rembourse en fonction des résultats obtenus selon des objectifs fixés au départ et mesurés par des indicateurs également fixés au préalable. La mise en œuvre de ces indicateurs et le suivi de ces résultats nécessitent une évaluation d’impact social. Celle-ci est donc une condition nécessaire à la réalisation d’un contrat à impact. Plus largement, elle est un moyen de comprendre quelles sont les expérimentations qui marchent pour répondre à ces besoins.
A ce titre, deux Appels à Manifestation d’Intérêt (AMI) ont été publiés par le Secrétariat d’Olivia Grégoire en septembre 2020 sur le sujet de l’économie circulaire et sur celui de l’égalité des chances économiques. Deux autres sont à venir, l’un sur l’inclusion dans l’emploi et l’autre sur la prise en charge des sans-abris, avec à chaque fois une enveloppe de 10 M€ de fonds publics.
L’accent mis par le gouvernement sur l’évaluation d’impact social cette AMI ont fait ressortir le fort besoin d’outils et de cadres par les acteurs de l’innovation sociale qui voulaient y répondre et ont largement sollicité les quelques experts qui travaillent sur ce sujet en France.
Le développement des outils et référentiels d’évaluation d’impact social
Olivia Grégoire affirme également dans l’article mentionné plus haut son ambition de créer un référentiel de mesure d’impact au niveau européen, qui serait valable et à déployer dans l’ensemble des entreprises, et qui permettrait l’amorce d’une nécessaire évolution des outils de mesure et d’évaluation de la performance des entreprises quelles qu’elles soient. A date, de nombreux référentiels ont déjà vu le jour, à l’instar de l’outil Valor’ESS qu’elle mentionne (créé par l’UDES avec le cabinet (Im)prove en 2020), de la base de données IRIS gérée par le Global Impact Investing Network, de la plateforme en ligne Impact Track ou encore de l’outil MESIS développé pour le Fonds Nov’ESS, BNP Paribas et la Caisse des Dépôts. Existent aussi des outils de mesure d’externalités des entreprises tels le B-Impact Assessment de B-Corp ou l’Impact Score développé par le Mouvement Impact France (ex-Mouves). On peut espérer que les nouveaux contrats à impact social issus de l’AMI et plus largement les évaluations d’impact qui les accompagneront viendront enrichir des référentiels sectoriels pertinents pour les écosystèmes français et européens.
La « responsabilisation de l’économie » dont parle Olivia Grégoire passera inévitablement par la professionnalisation du secteur sur le sujet de la mesure d’impact social. Or, ce mois-ci, le projet d’Approche commune de l’université de Carlton (Canada) a attiré notre attention. Il s’agit d’un « outil d’auto-évaluation » de la mesure d’impact qui s’adresse aux acteurs de l’ESS canadiens et leur demande de s’évaluer sur 5 pratiques essentielles : planifier le changement, utiliser des indicateurs adaptés, recueillir des informations utiles, évaluer le rendement et l’impact et communiquer les résultats. Ces 5 pratiques essentielles et les questions qui s’y rapportent dans l’outil sont alignées avec les étapes de la méthode SROI (Social Return on Investment), et incluent notamment la dernière étape de monétarisation (optionnelle dans la méthode SROI).
Dans une moindre mesure, l’outil de l’Approche commune présente également des similitudes avec les 5 dimensions de l’impact de l’IMP (Impact Management Project) : « What ? Who ? How Much ? Contribution ? Risk ? », 5 dimensions de l’IMP qui se retrouvent elles-mêmes dans les dimensions de la Théorie du changement sur laquelle se base la méthode SROI, ce qui montre le début d’un langage commun à l’international malgré les différentes approches :
Impact dimensions :
What : approfondit les Résultats et/ou Impacts détaillés dans la théorie du changement
Who : approfondit les Besoins des parties prenantes et les types de parties prenantes touchées par l’activité de l’entreprise
How much : quantifie les Impacts et nécessite une évaluation d’impact social quantitative (how many) et qualitative (the degree of change) prenant en compte le facteur durabilité (how long it lasts for).
Contributions : évalue l’attribution, la contribution et le poids mort des résultats (pondération) pour en faire ressortir les impacts attribuables en totalité ou en partie à l’entreprise.
Risk : la dimension du risque (que l’impact ait lieu ou pas) relève de la stratégie d’investissement en amont, et donc uniquement de la démarche de due diligence au moment du choix d’investissement. L’évaluation d’impact social pourra comparer les risques estimés en amont et les chiffres d’impact une fois confirmés.
Il est intéressant d’analyser ces approches au moment où nous développons à l’ESSEC un outil d’auto-diagnostic sur la mesure d’impact social pour l’écosystème français dans le cadre de notre accompagnement des entrepreneurs sociaux d’Antropia ESSEC : nous avons conçu un outil adapté au contexte français, fondé sur notre connaissance de l’écosystème ESS et plus largement des acteurs engagés dans l’Innovation sociale , sous la forme d’un questionnaire en ligne qui interroge les structures sur leur connaissance du sujet, sur leur expérience de formations sur la mesure d’impact social (sachant qu’elles restent rares) et sur leur niveau de maturité sur le sujet afin de leur formuler des recommandations.
Notre expérience du programme Size Up en 2019 (accompagnement gratuit sur un an de 8 structures de l’ESS sur leur démarche d’évaluation d’impact social) avec Antropia ESSEC et Ronalpia nous avait montré que les structures de l’ESS qui avaient entamé une démarche de mesure d’impact social restaient une très petite minorité, d’où la création de ce programme de professionnalisation des porteurs de projet.
Les opportunités de ce type restent extrêmement rares pour les structures de l’ESS mais nous avons compilé les données de quelques formations (sans exhaustivité) sur le sujet de l’évaluation d’impact social :
L’outil canadien de l’Approche Commune nous montre le chemin restant à parcourir pour la professionnalisation de l’écosystème français sur ce sujet incontournable, et pour la création de référentiels et d’outils communs pour accompagner la montée en compétence de notre écosystème d’innovation sociale à long terme sur l’évaluation d’impact social.
Retrouvez tous les mois notre veille internationale sur l’évaluation d’impact social sur la page @LinkedIn du Labo E&MIS. Des questions? Contactez-nous via louis.raynauddelage@essec.edu ou leclerc@essec.edu
Veille rédigée par Elise Leclerc et Louis Rayanud de Lage avec les contributions de Clara Cohade et Léo Police sous la direction de Thierry Sibieude.